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Papus

Défenseur de l’occultisme et cofondateur de l’Ordre martiniste, né en Espagne, d’un père français et d’une mère espagnole, Gérard Encausse passa toute sa jeunesse à Paris, où il fut reçu docteur en médecine. Avant même de terminer ses études, il s’était donné pour tâche de lutter contre le scientisme de l’époque en répandant une doctrine nourrie aux sources de l’ésotérisme occidental...

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Encausse, qui se fit appeler Papus d’après un nom d’esprit trouvé dans le Nyctameron d’Apollonius de Tyane, fut un chef de file incontesté. Il se défendait d’être un thaumaturge, un inspiré et se présentait comme un savant, un expérimentateur. Il doit ses idées à Saint-Yves d’Alveydre, mais aussi à Wronski et surtout à Éliphas Lévi et à Fabre d’Olivet. Par ailleurs, la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin a laissé sur lui une trace profonde à partir de 1889 environ, peu après sa rupture (en 1888) avec la Société théosophique de Mme Blavatsky. C’est en 1889 aussi qu’il s’affilie à l’ordre kabbalistique de la Rose-Croix fondé par Peladan cette année-là.

L’Ordre martiniste, créé par Papus et par Augustin Chaboseau en 1891, doit son nom au souvenir de Saint-Martin et peut-être à celui de Martines de Pasqually. C’est une société paramaçonnique, dont la revue officielle, L’Initiation, fondée par Papus en 1888, parut jusqu’en 1914. On relevait dans cette publication les noms de Stanislas de Guaïta, Peladan, Barlet, Matgioi, Marc Haven, Sedir, de Rochas, Chamuel. Mais, du moins pendant longtemps, les noms de Martines de Pasqually, Saint-Martin, ou Willermoz y sont beaucoup moins cités que ceux de Fabre d’Olivet et d’Éliphas Lévi. Les premiers martinistes de renom furent Paul Adam, Maurice Barrès, Stanislas de Guaïta, Victor-Émile Michelet et Peladan. D’autre part, un Groupe indépendant d’études ésotériques dispensait un enseignement semblable, mais plus étendu, à tous les curieux de sciences occultes.

Ce vaste mouvement hermétique, dont Papus était l’une des âmes agissantes, est sans nul doute inséparable de la littérature symboliste de cette époque, bien qu’il fût lui-même naturellement beaucoup plus orienté vers les mystères de l’occultisme que vers les recherches esthétiques de Mallarmé ou de Villiers de L’Isle-Adam. De leur côté, les symbolistes ne trouvaient guère dans le renouveau ésotérique que des thèmes d’inspiration. Le martinisme, d’ailleurs, n’apparaît à cette époque que comme l’une des nombreuses manifestations de ce renouveau.

S’il fut un piètre historien, de la kabbale notamment, ce Balzac de l’occultisme que fut Papus a contribué, par ses talents de vulgarisateur, à ouvrir les esprits de son temps aux sources vives de la pensée analogique et de l’imagination créatrice (Les Disciples de la science occulte, Paris, 1888; Traité élémentaire de sciences occultes, Paris, 1898; Traité méthodique des sciences occultes, Paris, 1891; L’Occultisme contemporain, Paris, 1887). Éliphas Lévi avait inventé l’occultisme, qui empêcha Papus (lequel, d’ailleurs, s’opposa à l’occultisme essentiellement pratique des spirites) d’inventorier toutes les richesses de la théosophie traditionnelle de l’Occident. L’époque, sans doute, ne se prêtait pas à autre chose, mais elle appelait Papus à jouer son rôle de mage. En automne de 1905, Nicolas II, aux prises avec les troubles sociaux, l’appela à Tsarskoïe Selo pour lui demander conseil. Papus évoqua alors, au cours d’une opération magique, l’esprit d’Alexandre III, qui préconisa la répression et annonça une révolution de grande envergure. Papus affirma au tsar que cette révolution n’éclaterait pas tant que lui-même serait vivant. L’assistant de Papus, le “Maître Philippe”, jouit aussi d’une grande autorité morale auprès du tsar, à qui il avait prédit la naissance du successeur au trône, mais la venue de Raspoutine l’évinça. La visite de Papus à Nicolas II, séjour auréolé de mystère, n’est qu’un épisode parmi d’autres dans cette vie étrange mais féconde et, somme toute, imprégnée de rayonnante bienfaisance. L’Ordre martiniste, qui recruta vite des membres dans de nombreux pays, est encore vivant. Ses adeptes sont répartis en trois degrés et travaillent dans des groupes (en maçonnerie, on dirait des grades et des loges). Le degré le plus élevé est celui de Supérieur inconnu. Les femmes y sont admises aussi bien que les hommes. L’Ordre, qui se réclame d’une filiation initiatique remontant à Louis-Claude de Saint-Martin, fut “réveillé” en 1952, en même temps que sa revue L’Initiation, après une éclipse qui durait depuis 1914. Il dispense théoriquement un enseignement qui se réclame de Saint-Martin, mais sans toujours faire de la doctrine de celui-ci (ou de Martines) l’essentiel de ses préoccupations.