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De l'origine des sorcières

"Le féminin ne sera jamais assez écrasé car son pouvoir risque de resurgir. Là est le fantasme majeur, jamais déraciné, de l'ordre patriarcal. Ce qui expliqua l'obsession avec laquelle on a veillé à piétiner, à annihiler la sorcière." (Françoise Gange)

Dès l'antiquité, la société à la domination masculine a établi toute une culture et des mythes autour de la féminité. Cette crainte de la femme dans l'histoire l'a souvent placée en victime allant jusqu'à inspirer une telle peur qu'elle fut diabolisée. La sorcière est le "monstre" le plus réel que l'inconscient collectif ait su créer autour d'un être humain. Pourquoi ce mythe a-t-il entraîné à la mort tant de personnes tout en laissant un personnage qui inspire toujours ? Hier sur les bûchers, aujourd'hui sur les écrans, les sorcières n'ont cessé de hanter l'imaginaire occidental.

La trace des sorcières depuis l'antiquité

C'est la déesse Diane qui pourrait être considérée comme la mère de toutes les sorcières. Les récits mythologiques lui étant consacrés la présentent comme proche de l'idée que l'on se fait actuellement des sorcières. Ainsi, dans la mythologie grecque, plus particulièrement dans l'histoire de Persée, mais aussi par la représentation des Moires dans les récits, il s'est créé un personnage de la sorcière lié à la femme. Les Moires, que l'on appelle les Parques en latin, sont celles qui déterminent le destin de chaque individu. Elles sont trois à fabriquer le fil de la vie, et distribuent à chacun, dès sa naissance, tôt le bonheur et le malheur de sa vie à venir. Clotho est la fileuse du fil de la vie grâce à sa quenouille. Lachésis est celle qui donne à chacun sa destinée, elle est la dispensatrice du Sort. Atropos est celle qui coupe le fil, qui a le pouvoir de la mort. Les Moires déterminent la vie de tous, et c'est ce qui sera reproché aux sorcières.

L'origine des sorcières

Les démonologues identifient la sorcellerie à un culte païen envers un dieu cornu, à un rite primitif rendu clandestin par l'Eglise catholique. Ce culte expliquerait l'existence d'adeptes croyants en une science de la nature, les sorciers et les sorcières. Les sorciers seront considérés comme des magiciens de par leur véritable connaissance des plantes et de leurs pouvoirs. Cette connaissance est liée à l'animisme qui reconnaît l'existence de forces cachées dans la nature pour les utiliser à son compte. Le magicien connaîtrait les phénomènes de la nature et ses mystères, et pourrait leur commander d'agir dans un but précis par des rituels qu'il serait seul à posséder. La sorcellerie est, selon un terme issu du vieux français, " sorceler ", un moyen de créer des sortilèges. Les magiciens seraient donc les utilisateurs d'une magie rituelle pouvant être maléfique, une possibilité de nuire qui est condamnée dès l'antiquité. Mais tout ce qui fait la différence entre les magiciens et les sorcières est la destinée de leurs âmes. La sorcellerie et sa pratique seraient effectives uniquement par l'établissement d'un pacte avec le diable. C'est la religion judéo-chrétienne qui accentua l'idée de la femme comme possible sorcière en faisant intervenir le démon. La sorcellerie sera donc le pivot des inquisiteurs dans la chasse hérétiques au Moyen Age, l'Eglise chrétienne condamnant tous les actes surnaturels comme agissements du Diable à travers l'être humain, à l'exception des miracles considérés comme de la magie divine.

Le pacte avec le démon

Le pacte qui unit la sorcière et le diable est fondé sur l'échange d'éventuels pouvoirs occultes contre son âme, le bien le plus précieux de tout être. D'un point de vue religieux, on pensait à cette époque que l'âme survivait au corps mortel, la vie terrestre déterminant du salut du défunt dans l'au-delà. Cette croyance était fondée sur la crainte du jugement et, de ce fait, très respectée. Pour identifier une sorcière, les inquisiteurs cherchaient toujours à prouver l'existence de ce pacte avec le diable et non celle de Dieu. Il apporterait à la sorcière le pouvoir occulte qui ouvre les portes d'une connaissance pouvant répondre à toutes les demandes, y compris celles de richesse et de pouvoir de mort. Ce contrat laisserait, selon les inquisiteurs, une marque au passage démoniaque sur la peau par une zone insensible ou un dessin singulier semblable à une patte de crapaud. Cette marque dans la chair de la sorcière aidait aussi à justifier les accusateurs dans la recherche de la sorcellerie par l'hérédité.

Les sorcières en tant que possible jeteuses de sorts

Dans les procès en sorcellerie menés par l'inquisition, il ressort qu'une majorité de femmes sont accusées et reconnues coupables. Les juges avançaient la possibilité que les femmes possédaient une prédisposition naturelle à la sorcellerie. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque de la chasse aux sorcières, les femmes, d'un point de vue social comme religieux, ne représentaient que le sexe faible, même si elles étaient le pilier de la vie communautaire et familiale. Les sorcières vivaient, tant que rien ne leur était reproché (ce qui se passait le plus souvent par une simple dénonciation), paisiblement au sein de la communauté, où elles étaient assimilées aux sages-femmes et autres rebouteux. Mais, à la différence des guérisseurs, il existait une réelle volonté d'éloignement entre la sorcière et sa famille. Il était courant de penser que la sorcière pouvait invoquer et déchaîner des forces qu'elle-même ne contrôlait pas. C'est pour cela qu'une personne désirant consulter une sorcière se rendait le plus souvent au village voisin et non dans le sien, ce qui évitait tout problème, si les esprits invoqués se révoltaient. Les superstitions étaient donc le fonds le commerce des sorcières jusqu'à l'arrivée des inquisiteurs.

Les prémisses de la chasse aux sorcières

La première trace concernant une histoire de procès en sorcellerie avec la volonté d'exécuter l'accusée date de 1100, cette affaire se produisit dans les Landes, à Saint-Sever. Ce récit nous est parvenu comme étant celui de la première sorcière qui ne brûla pas. Ce détail est important quand on sait que les documents établis lors des procès étaient pour la plupart brûlés avec l'accusée. Il était reproché à cette femme, accusée de sorcellerie, de mener une vie dite "mauvaise" ayant causé une mystérieuse épidémie mortelle. Cette sorcière fut reconnue coupable et condamnée au bûcher. Epargnée par les flammes, elle conserva la vie sauve et fut reconnue innocente. Cette histoire atteste de l'existence des bûchers, à Toulouse, en France. La terrible machine de la chasse aux sorcières était mise en marche. Les sorcières seront désormais pointées du doigt lors des périodes difficiles dues aux épidémies et autres catastrophes naturelles. A partir du XVe siècle, l'inquisition se montrera d'une rare cruauté et fera preuve d'un terrible acharnement à trouver des coupables à tout prix.

Ce que l'on reproche aux sorcières

Le pacte avec le diable et le pouvoir de mort que possédaient les sorcières seraient une atteinte à l'épanouissement d'une vie chrétienne exemplaire. Ainsi, la chasse aux sorcières menée par les réformateurs avait pour but réel de faire disparaître les croyances, les superstitions et le paganisme qui étaient tout liés de près ou de loin aux pratiques magiques. De plus, le pacte avec le diable étant considéré comme l'acte de rébellion ultime, la sorcière s'opposait à la volonté de Dieu d'un point de vue politique puisque la monarchie dont était issu le roi était un ordre hiérarchique construit autour du pouvoir divin. La sorcière, en plus d'être accusée de blasphème par le pouvoir religieux était aussi, au début de la chasse aux sorcières, accusée de trahison politique. C'est avec la notion d'une telle trahison que la chasse aux sorcières prit une telle ampleur, mais c'est aussi à cause de l'aménagement d'une justice particulière, liée à cette recherche de culpabilité, que les persécutions s'établirent. De plus, il ne faut pas oublier la croyance envers le doigt de Dieu qui voulait que les morts violentes des puissants du royaume soient le fait de la seule bonne volonté de Dieu. Hélas, les sorcières pouvaient, pensait-on, avoir ce pouvoir. Mais tous ces faits extraordinaires étaient seulement l'évolution d'une science bien réelle, celle des poisons. Les empoisonnements étaient courants, et toutes les personnes ayant une certaine connaissance de plantes étaient considérées comme suspectes, les sorcières sachant tout autant guérir par les plantes que tuer par celles-ci.

La toxicologie des sorcières

Il semblerait que les empoisonneuses aient hérité d'un savoir des plantes et des minéraux très élaborés, mais il faut aussi ajouter que les recherches alchimiques étaient bien souvent le fruit de multiples expériences. Le but de l'alchimie était philosophique, mais la chimie n'en était pas exclue. Les médecins étaient connus pour leurs affinités avec les alchimistes qu'ils employaient, ainsi que pour leur fascination envers les sciences obscures. Les sorcières avaient donc, pour certaines, une connaissance complexe des substances chimiques des plus abouties. La pharmacopée des sorcières ne servait cependant pas uniquement à tuer pour mieux justifier leur pouvoir de donner la mort, et toutes ces substances qu'elle détenait pouvaient aider à comprendre certains troubles commis ou subis par la jeteuse de sorts. Le vol des sorcières et autres réunions au Sabbat, avec les pires démons, était toujours le fait de substances extraites de plantes. La jusquiame, dont les graines, les feuilles ou les racines administrée à l'organisme en boissons, onctions ou vapeurs donnent des illusions douces, voire des rêves démoniaques selon la dose, justifiait l'existence du démon. La célèbre mandragore, elle, servait à la sorcière pour rendre stupide quiconque absorbait la poudre issue de ses racines. Mais, afin de rendre plus théâtrale cette utilisation de substances naturelles, la sorcière accompagnait toujours cela de formules obscures accréditant le pouvoir de son action. La sorcière avait donc la nature comme pharmacie et seul son savoir lui donnait son véritable pouvoir.

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